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Tribune

Une cinquantaine de personnalités, parmi lesquelles les écrivains Emmanuel Carrère et Annie Ernaux, s’alarment, dans une tribune au « Monde », des conditions de détention de ce chercheur français accusé d’espionnage et incarcéré en Russie, où il encourt une peine de vingt ans de prison.
Le 22 novembre 2025.
“Dix-sept mois. Voilà dix-sept mois qu’il est aux mains des autorités russes, loin de ses enfants, de son épouse, de ses parents et amis, livré à la solitude et aux interrogatoires répétés des agents du FSB, l’ex-KGB. Arrêté le 6 juin 2024 à la terrasse d’un café moscovite, dans une mise en scène complaisamment relayée par la télévision publique destinée à frapper de stupeur les chancelleries et l’opinion occidentales, Laurent Vinatier n’est pas un inconnu pour ceux qui s’intéressent de près à la Russie contemporaine.
Spécialiste reconnu de la Tchétchénie et de sa diaspora, ce Français de 49 ans travaille depuis plus de vingt ans sur l’espace post-soviétique, qu’il n’a cessé d’arpenter en qualité de chercheur puis, à partir de 2014, comme conseiller du Centre pour le dialogue humanitaire (HD), une organisation non gouvernementale basée en Suisse qui se consacre à la médiation en situations de conflits.
Dans le cadre des activités de diplomatie privée menées par HD, Laurent Vinatier avait été conduit ces dernières années à de fréquents séjours en Russie, mais aussi en Ukraine, au Tadjikistan, en Moldavie, en Biélorussie et dans le Haut-Karabakh. Partout, il s’est efforcé, conformément aux buts de l’organisation qui le mandatait et en toute transparence, d’ouvrir des canaux de dialogue entre belligérants, prenant part, pour ce faire, à des rencontres avec un large éventail d’acteurs.
Engagées dans un rapport de force avec l’Union européenne sur le dossier ukrainien, les autorités russes n’ignoraient rien de la nature diplomatique de ses interventions ni de la neutralité de son positionnement. Mais Laurent Vinatier, par son rôle sur le plan international et ses fréquents déplacements à Moscou, était pour elles une cible de choix et une prise facile. Accusé d’avoir recueilli des informations liées aux activités « militaires et militaro-techniques » et de ne pas s’être enregistré comme « agent de l’étranger », en vertu d’une loi d’abord réservée aux citoyens russes, et dont il ignorait l’extension récente aux ressortissants étrangers, Laurent Vinatier a finalement été jugé pour ce dernier motif. Alors que l’infraction qui lui était reprochée est généralement punie d’une simple amende, ce sont trois ans et trois mois de colonie pénitentiaire, soit la peine maximale encourue, qui lui ont été infligés le 14 octobre 2024.
Depuis lors, les autorités russes sont restées sourdes aux appels du Quai d’Orsay, qui a réclamé à plusieurs reprises sa libération immédiate. Pire : le piège qui s’est refermé sur Laurent Vinatier a révélé ses véritables dimensions lorsque, le 25 août, le tribunal de Lefortovo, à Moscou, a ouvert à son encontre une seconde procédure, cette fois pour « espionnage ». Cette nouvelle accusation se traduit, d’ores et déjà, pour ce ressortissant français seulement coupable d’une négligence administrative, par une dégradation préoccupante de ses conditions de détention et l’expose désormais à une peine de vingt ans d’incarcération…
Prisonnier d’un jeu politique et diplomatique qui le dépasse, Laurent Vinatier est avant tout un fils, un frère, un époux, un père et un ami dont l’absence, depuis plus d’un an, plonge chaque jour les siens dans l’angoisse et le désarroi. Tandis que son nouveau procès doit commencer prochainement, les autorités françaises, conscientes de son innocence, doivent faire tout ce qui est en leur pouvoir, explorer toutes les voies et recours possibles pour obtenir sans délai sa libération ! Il y va du sort d’un homme injustement condamné et menacé. Il y va, au-delà de sa personne, du respect des droits de l’homme, de l’honneur de la France et des valeurs qu’elle tient pour sacrées.”

Signataires

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Galia Ackerman, Écrivaine, historienne et journaliste
Cyrille Amoursky, Reporter de guerre
Louis Arnaud, Ex-otage en Iran
Fabrice Balanche, Maître de conférences à l’Université Lyon 2
Mortaza Behboudi, Grand reporter, ex-otage en Afghanistan
Ingrid Betancourt, Présidente de SOS Otages
Hamit Bozarslan, Historien et politiste, Directeur d’études au CETOBaC-EHESS
Gérald Bronner, Sociologue, Professeur à Sorbonne Université
Marco Buttino, Historien, Enseignant à l’Université de Turin, membre de Memorial Italia
Emmanuel Carrère, Écrivain, prix Médicis 2025
Camilo Castro, Ex-otage au Venezuela
Perrine Daubas, Directrice générale et cofondatrice de la revue Kometa
Françoise Daucé, Directrice d’études à l’EHESS, directrice du CERCEC
Philippe de Lara, Maître de conférences (HDR) honoraire de l’Université Panthéon-Assas
Anne de Tinguy, Historienne et politologue, professeur des universités émérite
Olivier Dubois, Journaliste, ex-otage au Mali
Annie Ernaux, Écrivaine, prix Nobel de littérature
Kristian Feigelson, Sociologue, professeur des universités à la Sorbonne nouvelle Iegor Gran, Écrivain
Olivier Grondeau, Ex-otage en Iran
Michel Henry, Rédacteur en chef adjoint de la revue Kometa
François Héran, Sociologue, Collège de France
Ivan Jablonka, Historien et écrivain
Anne Le Huérou, Sociologue, maîtresse de conférences à l’Université Paris Nanterre
Christian Lequesne, Professeur de science politique, Sciences Po Paris
Frédérique Longuet-Marx, Anthropologue, CETOBaC-EHESS
Léna Mauger, Rédactrice en chef et cofondatrice de la revue Kometa
Cécile Marin, Chargée de mission à la direction des affaires internationales de Sciences Po Paris
Mohamed Mbougar Sarr, Écrivain, prix Goncourt 2021
Marie Mendras, Politologue
Aude Merlin, Politiste, professeure à l’Université libre de Bruxelles
Burak Oztas, Chercheur associé au CERCEC-EHESS
Jean-François Pérouse, Enseignant-chercheur/HDR, Université Toulouse II Jean Jaurès
Bernard Phelan, Ex-otage en Iran
Antonela Pogacean, Chargée de recherche, Sciences Po-CERI
Rudy Reichstadt, Journaliste, directeur de Conspiracy Watch
Clotilde Reiss, Ex-otage en Iran
Olivier Roy, Politologue, professeur au Centre Robert Schuman, Institut universitaire européen
Jacques Rupnik, Politologue, directeur de recherche émérite
Haydée Sabéran, Rédactrice en chef adjointe de la revue Kometa
Silvia Serrano, Professeure à Sorbonne Université, chercheure associée au CERCEC-EHESS
Pierre-André Taguieff, Philosophe, politiste et historien des idées, directeur de recherche au CNRS
Dominique Vidal, Journaliste et historien
Antoine Vitkine, Journaliste, écrivain et réalisateur de documentaires
Nicolas Werth, Historien, directeur de recherche à l’Institut d’histoire du temps présent
Catherine Wihtol de Wenden, Politologue, directrice de recherche au CNRS

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